Piloter la Performance Financière face aux défis de 2025+

Un article expert de Jamel-Cédric Lema et Ophélie Agard

Dans un monde marqué par l’incertitude politique et économique, l’évolution des normes et réglementations, l’urgence climatique, les ruptures technologiques ou encore les attentes changeantes des collaborateurs, les directions financières font plus que jamais face à des enjeux d’alignement stratégique et d’agilité opérationnelle. Elles ne se contentent plus de superviser des résultats financiers : elles pilotent la résilience et la transformation des organisations.

C’est dans ce contexte que l’EPM (Entreprise Performance Management) se présente comme un levier stratégique pour intégrer ces tendances de fond et des critères toujours plus complexes à maîtriser.

Mais qu’est-ce que l’EPM ? Quelles transformations ces outils permettent-ils, et comment les entreprises peuvent-elles s’y préparer pour répondre aux enjeux de 2025 et au-delà ? Le Cabinet Althéa vous propose un tour d’horizon complet.

Qu’est-ce que l’EPM et pourquoi est-il stratégique pour 2025+

L’Enterprise Performance Management (EPM), ou Corporate Performance Management (CPM) sont deux acronymes qui signifient littéralement : Pilotage de la Performance d’Entreprise[1]. C’est avant tout un ensemble de processus, méthodologies et solutions technologiques dont l’objet est de fournir un socle de gestion proactive et stratégique aux entreprises. Les solutions EPM permettent de consolider, harmoniser et analyser des données financières et opérationnelles, mais aussi de modéliser et de simuler des scénarios complexes. Ils offrent aux entreprises de solides capacités d’anticipation pour une prise de décision éclairée.

Mais revenons sur l’historique des solutions EPM pour mieux les situer par rapport à l’évolution des besoins des directions financières.

Historique et évolution des solutions EPM

L’évolution des solutions EPM est étroitement liée aux besoins croissants des entreprises et aux avancées technologiques. Depuis les années 1980, trois grandes phases marquent cette progression, chacune reflétant une réponse directe aux exigences économiques et organisationnelles de son époque :

Les années 1980-2000 :

A cette époque, les entreprises sont surtout confrontées à des structures organisationnelles complexes (multi entités, multisites) et ont besoin de centraliser leurs données financières et de produire des états consolidés fiables et conformes aux normes locales (US GAAP, French GAAP) et internationales (IFRS). Ce qui exigeait des processus rigoureux de clôture et de reporting.

Technologiquement, ces outils étaient exclusivement installés sur site « on-premise » et s’appuyaient sur des bases de données relationnelles pour centraliser et harmoniser les données. C’est l’émergence des premières solutions de CPM, comme Micro Control en 1981 d’IMRS qui deviendra Hypérion et Hypérion-Essbase (introduisant des capacités d’analyse multidimensionnelle via l’OLAP (Online Analytical Processing)), avant d’être racheté par Oracle en 2007.

Élargissement du périmètre fonctionnel (2000-2010)

L’entrée dans le nouveau millénaire a vu les entreprises évoluer dans un contexte de globalisation croissante et d’incertitude économique. Cela a mis en lumière la nécessité d’anticiper et de planifier l’avenir, en intégrant des dimensions non financières dans les processus de pilotage. L’époque marque la transition des outils CPM, focalisés sur la finance, vers des solutions EPM, intégrant la planification stratégique, une budgétisation plus dynamique, et des prévisions continues (rolling forecasts).

Ces outils, souvent qualifiés de « deuxième génération », étaient conçus pour faciliter leur appropriation. Ils se distinguaient par une interface conviviale (« user-friendly ») et une forte intégration avec Microsoft Excel. Ils avaient l’avantage d’une faible courbe d’apprentissage et instauraient les prémices d’une collaboration en temps réel. C’est par exemple le cas d’OutlookSoft (fondée en 2000) qui proposait des solutions de Business Process Management (comme Business Objects acquise par SAP en 2007) et Cognos (acquise par IBM en 2008). Cette décennie a marqué l’âge d’or des solutions EPM, où la collaboration transversale entre départements (finance, RH, production) est devenue essentielle pour aligner les objectifs stratégiques sur les opérations quotidiennes.

L’ère du cloud et de l’intelligence artificielle (Depuis 2010)

Les années 2010 ont été marquées par de nouveaux changements économiques et technologiques profonds. La volatilité des marchés, l’accélération des cycles économiques, et l’émergence des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ont poussé les entreprises à rechercher des outils plus flexibles et agiles. L’avènement des solutions cloud a répondu à ces besoins en offrant une accessibilité globale, une meilleure scalabilité, et une réduction des coûts d’infrastructure.

Les solutions EPM dites de « troisième génération », intègrent des fonctionnalités avancées d’analyse prédictive (par exemple modélisation de Monte Carlo), et le Reporting ESG. Grâce à l’intelligence artificielle, elles permettent aux entreprises de passer d’une gestion réactive à une gestion proactive, en anticipant encore mieux les risques et maximisant les opportunités.

Un autre aspect clé de cette époque est l’accent mis sur la collaboration en temps réel entre les équipes financières et opérationnelles, grandement facilitée par des plateformes unifiées et interactives. Les outils d’aujourd’hui combinent la puissance des technologies cloud et de la data science, transformant les données brutes en insights stratégiques permettant de s’adapter rapidement aux mutations du marché.

Deux axes principaux : consolidation et planification

Les solutions EPM sont généralement classées en deux grandes catégories, chacune répondant à des enjeux spécifiques :

Les solutions de consolidation financière (FCCS – Financial Close and Consolidation Solutions)

Ces solutions simplifient le processus de clôture financière tout en garantissant la conformité et l’efficacité opérationnelle : réduction des délais de production des comptes consolidés, centralisation et traitement des transactions inter-sociétés, consolidation multi-entités, multidevises, etc.[2].

  • Exemples de solutions : Oracle FCCS, Blackline, Fluence Consolidation and Reporting, LucaNet, Solver Cloud Suite, Amelkis, ...

Cas client : Un acteur majeur de l’énergie en France a déployé Oracle FCCS pour réduire ses délais de clôture de 25% et automatiser de 80% ses ajustements manuels, le tout en assurant une conformité IFRS[3].$

 

Solutions de planification et élaboration budgétaire (FPS – Financial Planning Solutions)

Ces solutions proposent de tester des hypothèses (modélisation « What-If » ) et de simuler des scénarios complexes pour évaluer l’impact des décisions (par exemple lors d’une acquisition ou d’une restructuration). Elles intègrent également les indicateurs ESG pour aligner la performance financière sur la performance durable.

  • Exemples de solutions : SAP Analytics Cloud, Workday, Anaplan, Pigment, …

Cas client : Un leader mondial de l’agroalimentaire utilise Anaplan pour intégrer des projections ESG dans ses prévisions budgétaires, ce qui lui permet d’aligner ses priorités financières sur ses objectifs de développement durable[4].

Une convergence vers des plateformes unifiées :

Les éditeurs se tournent de plus en plus vers des plateformes unifiées. Cette tendance de convergence des outils permettant de réduire des risques d’intégration[5], n’est pas vraiment nouvelle. La combinaison des fonctionnalités des FCCS et FPS dans des plateformes unifiées permet aux entreprises de centraliser leurs processus de Consolidation et de Planning sur une seule et même interface. C’est par exemple le cas de CCH Tagetik, Onestream ou encore Board.

Quelle est la place de l’EPM dans l’écosystème technologique des entreprises ?

Dans l’écosystème technologique des entreprises, les outils EPM occupent une position distincte mais complémentaire des ERP (Entreprise Ressources Planning ou PGI - Progiciel de Gestion Intégré) et de la BI (Business Intelligence ou Informatique décisionnelle).

En effet, contrairement à une solution décisionnelle (BI) dont l’objectif est de comprendre le passé et d’identifier les tendances à travers l’exploration et d’analyse des données historiques, ou des ERP dont l’objectif est de standardiser et d’automatiser des processus à partir de données transactionnelles, les outils EPM se concentrent sur le pilotage stratégique en planifiant, simulant des hypothèses pour guider les décisions futures.

Caractéristiques BI ERP EPM
Focus Analyse des données passées Standardisation et Automatisation des processus Pilotage stratégique
Questions clé Que s’est-il passé ? Comment exécuter nos opérations ? Comment améliorer notre performance ?
Orientation Décision basée sur l’analyse Exécution opérationnelle Conformité, Planification
Exemples de données utilisées Historique de ventes, tendances Données transactionnelles en temps réel Données consolidées, Budgets, prévisions

 

Pour les directions financières le réel enjeu d’aujourd’hui et de demain (2025+) se situe autour de la donnée et de la manière dont elle assure la synergie entre le triptyque BI, ERP, et EPM.

Exemple : Un leader mondial de la cosmétique utilise SAP Analytics Cloud (EPM) pour aligner ses prévisions financières sur les données opérationnelles collectées par son ERP. Cette intégration permet de réduire de 15 % les écarts budgétaires grâce à une vision centralisée des ventes et des marges consolidées[6].

 

Comment les Directions Financières peuvent-elles se préparer pour 2025+ ?

Les enjeux clés des directions financières pour les années avenir se situent principalement autour de 3 grands axes : l’intégration de la dimension ESG dans la stratégie, faire face à l’incertitude grâce à l’agilité et tirer parti de l’intelligence artificielle.

En effet, selon une étude de McKinsey de 2024[7], 55 % des directeurs financiers prévoient que leur organisation se concentrera sur la construction d’activités durables, considérée comme une démarche offensive pour renforcer la résilience de l’entreprise. De même, le contexte actuel favorise l’adoption des solutions EPM qui permettent d’identifier les risques et d’ajuster les priorités en temps réel. Enfin, l’avènement de l’IA renforce les capacités de gestion proactive des Directions Financières, au moyen d’algorithmes prédictifs qui fournissent des insights sur lesquels reposent des décisions.

 

Tendances clés pour l’EPM à 2025+

Avec la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), 75 % des grandes entreprises intégreront des indicateurs ESG dans leurs rapports financiers dès 2025 (Gartner). Les solutions comme CCH Tagetik et OneStream, intègrent des modèles prédéfinis alignés sur les cadres TCFD et GRI pour mesurer l’empreinte carbone ou suivre les Objectifs de Développement Durable (ODD).

Exemple : Un leader mondial de l’agroalimentaire a utilisé CCH Tagetik pour réduire de 20 % le temps de consolidation de ses données ESG, garantissant des rapports conformes aux nouvelles exigences européennes [8].

 

En 2025+, 70 % des entreprises adopteront des solutions EPM basées sur le cloud pour gagner en agilité et réduire les coûts d’infrastructure (entre 20% et 40% selon les configurations).  Cette transformation va entrainer le décommissionnement des outils EPM de deuxième génération, impactant les modèles opérationnels des entreprises et nécessitera une préparation des Directions Financières et des DSI ainsi que de leurs responsables fonctionnels et IT.

Par ailleurs, il ne faut pas non plus oublier que la démocratisation de l’IA rend les fonctionnalités prédictives plus accessibles à tous.

Exemple : Un leader français de la grande distribution utilise OneStream pour réduire de 12% ses ruptures de stock via des algorithmes prédictifs[9]

 

Renforcer les compétences des équipes et favoriser une collaboration transversale

Les solutions EPM s’appuient sur des technologies de pointe, intégrant de plus en plus l’intelligence artificielle (IA) et le machine learning. Ces avancées nécessitent une montée en compétences des équipes financières afin de garantir une adoption et une maîtrise optimales de ces solutions.

Cependant, un défi clé réside dans l’intégration. Il est impératif de ne pas déployer les outils EPM en silos, car ils sont spécifiquement conçus pour favoriser la collaboration interfonctionnelle et renforcer l’alignement stratégique à tous les niveaux de l’entreprise.

Pour répondre à cette exigence, certaines organisations ont mis en place des Centres d’Excellence (CoE) dédiés à l’EPM, qui servent de hub d’expertise et de gouvernance. D’autres intègrent les solutions EPM avec des données opérationnelles, telles que celles de la supply chain, dans une approche holistique appelée xP&A (Extended Planning & Analysis), visant à briser encore davantage, les barrières entre la finance et les fonctions opérationnelles.

En résumé, les directions financières font face à une actualité encore plus mouvementée que les décennies précédentes, et doivent s’y préparer. Entre les besoins et les technologies qui évoluent, elles sont en quête d’une solution pour faire face aux enjeux de transformations de demain : des défis externes (politique, économique, réglementation) et internes (besoin d’agilité et compétence des collaborateurs) dont il faut absolument tenir compte, des outils EPM qui proposent une approche complémentaire au systèmes existants (ERP et BI) avec au cœur de cette synergie une donnée plus stratégique que jamais. Se faire accompagner pour bien choisir sa solution EPM devient critique pour les entreprises.

 

Le Cabinet Althéa vous accompagne dans le choix de votre solution EPM

La mise en œuvre d’une solution EPM est une initiative stratégique qui engage non seulement des ressources financières et humaines, mais également des enjeux organisationnels et technologiques majeurs. Les phases de cadrage et d’aide au choix, souvent sous-estimées, sont pourtant déterminantes pour garantir la réussite de ces projets. Faire appel à Althéa, un cabinet de conseil spécialisé dans le cadrage et l’aide au choix offre des avantages distincts et une valeur ajoutée significative.

Une expertise méthodologique et sectorielle

Avec plus de 40 aides au choix réalisées par an, le cabinet Althéa apporte une méthodologie claire et éprouvée pour les phases de cadrage et de sélection, adaptée à la complexité et aux spécificités de votre organisation. Nos consultants possèdent une connaissance métier (anciens responsables administratifs et financiers, consolideurs et contrôleurs de gestion) et sectorielle (banque, industries, retail, etc.) de 5 ans en moyenne, ce qui nous permet d’identifier des problèmes propres à des secteurs spécifiques.

Une vision objective et indépendante du marché

Le cabinet Althéa n’a aucun intérêt commercial ni partenariat avec les éditeurs. Cela garantit un accompagnement impartial lors de l’analyse des solutions. Toutefois, nos 250+ consultants, issus des meilleurs cabinets de conseil et d’intégrateurs, pratiquent une veille technologique permanente des solutions disponibles sur le marché (leaders, innovations, etc.) pour vous assurer une évaluation objective des outils en fonction des critères pertinents pour vous (performance fonctionnelle, coûts, intégration avec l’écosystème existant, etc.). Notre ambition est de limiter les risques de surcoût ou d’incompatibilité lors des phases d’implémentation.

Une maîtrise des enjeux de gouvernance et d’organisation

Le cadrage nous permet d’identifier les rôles clés (Finance, IT, directions métiers) et de clarifier les responsabilités dans le projet. Nos mécanismes de pilotage sont clairs et structurés (instances de gouvernance, indicateurs de suivi) et nous permettent de maintenir un alignement constant entre les parties prenantes.

Une approche orientée ROI

Nos consultants réalisent des simulations pour mesurer des gains potentiels (optimisation des processus, réduction des délais, etc.) afin de vous donner une vision claire des bénéfices à court, moyen et long terme pour votre entreprise. Grace à une communication transparente et permanente avec les sponsors et les équipes opérationnelles, nous veillons à ce que vos choix soient adaptés à vos priorités stratégiques.

N’hésitez pas à nous contacter pour parler de votre projet : contact@althea-groupe.com

Un grand merci à Jamel-Cédric Lema et Ophélie Agard pour la rédaction de leur article d'expert, une véritable contribution à l'enrichissement des connaissances d'Althéa. Votre expertise et votre engagement sont précieux, pour nos équipes ainsi que nos clients.

[1] Même s’il faut revenir à l’historique pour comprendre la nuance sémantique qui se cache derrière les termes CPM et EPM

[2] Réduction jusqu’à 30% des délais moyens de clôture, Gartner Magic Quadrant for Financial Close Solutions, 2024

[3] Oracle Success Story, 2024

[4] Anaplan ESG Use Case, 2023

[5] Réconciliation difficile entre les comptes statutaires et les comptes de gestion

[6] Success Story SAP, 2023

[7] CFOs fostering fortitude, McKinsey, 2024

[8] CCH Tagetik Case Study, 2024

[9] OneStream Success Stories, 2023