Rédaction : Guillaume Benezit, Engagement Manager
La Réduction Générale Dégressive Unifiée (RGDU) constitue l’une des réformes majeures du paysage social de 2026. Elle marque la fin de la réduction dite « Fillon » (Réduction Générale des Cotisations Patronales – RGCP) au profit d’un mécanisme unifié, dégressif et élargi, visant à simplifier les allègements tout en redéfinissant leur répartition selon les niveaux de rémunération.
Entrant en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2026, la RGDU a pour objectif de moderniser et de rationaliser les dispositifs d’allègement de charges patronales, en intégrant une approche plus cohérente, paramétrée et équitable.
La réforme répond à une double logique :
- Harmonisation technique des règles de calcul, en fusionnant plusieurs dispositifs hétérogènes (maladie, allocations familiales, chômage, retraite complémentaire, etc.) sous une formule unique.
- Rééquilibrage économique du soutien à l’emploi, en ciblant prioritairement les bas et moyens salaires, tout en étendant la dégressivité jusqu’à 3 SMIC pour accompagner les transitions salariales.
Cette évolution, inscrite dans le décret n° 2025-887 du 4 septembre 2025, repose sur une formule mathématique harmonisée intégrant trois paramètres essentiels :
- un taux minimal (Tmin) ;
- un différentiel de dégressivité (Tdelta) ;
- et un exposant (P = 1,75) qui modélise la pente de la réduction en fonction du rapport entre le SMIC et la rémunération brute annuelle.
Concrètement, la mise en œuvre de la RGDU implique pour les entreprises une refonte complète du paramétrage paie, un réapprentissage des règles de calcul, ainsi qu’une relecture des équilibres financiers en matière de masse salariale.
L’impact se mesure à la fois :
- sur le plan opérationnel, par la nécessité d’adapter les logiciels de paie, de fiabiliser les contrôles et de documenter les bases de calcul pour les audits URSSAF.
- sur le plan budgétaire, par la modification du profil des allègements en fonction de la structure de rémunération et de la typologie des effectifs.
Cette réforme ne se limite donc pas à un changement de formule : elle constitue un projet de transformation interne touchant à la conformité, au pilotage de la masse salariale et à la gestion du risque social.
Son succès repose sur une mise en œuvre anticipée, structurée et collaborative, associant les services paie, SIRH, contrôle de gestion et direction financière, afin de garantir la conformité réglementaire et la maîtrise des impacts financiers dès la paie de janvier 2026.
1. Principes généraux et entrée en vigueur
- La RGDU devient l’unique composante des allègements généraux de cotisations patronales et s’applique à partir du 1ᵉʳ janvier 2026. Le décret fixe aussi la gouvernance (via un comité de suivi placé sous l’égide des Ministères du Travail, de l’Economie et des Comptes Publics).
- L’Objectif gouvernemental est de recentrer et d’harmoniser les allègements, limiter les « trappes à bas salaires » tout en compensant la suppression ou la baisse de certains taux réduits historiques (assurance maladie, allocations familiales).
2. Formule de calcul — mécanique détaillée
Le décret précise que le coefficient C applicable à une rémunération annuelle brute donnée est calculé ainsi :
Coefficient = Tmin + (Tdelta × [ (1/2) × (3 × SMIC_annuel / rémunération_annuelle_brute – 1) ]^P)
- P = 1,75 (exposant qui amplifie la dégressivité).
- SMIC annuel = montant annuel brut du SMIC (défini dans le décret selon le Code du Travail, ajustements pour temps partiel/horaire réduit prévus).
- Tmin et Tdelta sont des paramètres fixés en fonction des cotisations visées (le décret fournit un tableau selon groupes de cotisations). Pour l’essentiel des cotisations relevant du Régime Général (maladie, allocations familiales, retraite complémentaire, assurance chômage, etc.), un jeu de valeurs de référence est prévu (par ex. Tmin = 0,0200 et Tdelta ≈ 0,2636 / 0,2676 selon le tableau applicable). Le résultat est arrondi à 4 décimales.
Remarques d’application pratique
- La rémunération annuelle brute prise en base inclut les éléments définis par le décret (rémunération de base, primes et indemnités éventuellement retenues, traitements au prorata de présence). Le décret prévoit aussi des règles d’ajustement pour heures supplémentaires ou salariés au forfait.
- Le coefficient dépend donc fortement du rapport SMIC / rémunération : la réduction est maximale autour du SMIC, puis décroît jusqu’à devenir nulle pour des rémunérations égales ou supérieures à 3 × SMIC annuel (seuil de sortie).
3. Différences essentielles avec la RGCP (réduction Fillon) précédente
- Plafond d’éligibilité étendu
- RGCP (Fillon) : la réduction était significative jusqu’à un multiple plus bas du SMIC (historique ≈ 1,6 SMIC selon les paramètres récents) ; la RGDU étend le champ jusqu’à 3 SMIC (point de sortie). Cela modifie la zone d’application et la dégressivité.
- Formule modifiée et paramétrage
- La RGDU introduit une puissance P = 1,75 dans la courbe de décroissance et dissocie explicitement Tmin et Tdelta par famille de cotisations (tableaux différents). La RGCP utilisait une formule plus simple et des paramètres différents. Le comportement en zone intermédiaire (entre SMIC et le plafond) est donc différent (plus accentué ou plus lissé selon la rémunération) – ce qui modifie l’avantage pour salaires proches du SMIC vs salaires intermédiaires.
- Regroupement / unification
- La RGDU unifie plusieurs dispositifs et tient compte de la suppression/ajustement de taux réduits (ex. maladie/allocations familiales), ce qui fait que le « gain » employeur n’est pas strictement identique aux anciennes économies Fillon : la logique est de compenser partiellement et d’appliquer une règle unique par salarié.
- Paramètres segmentés par cotisation
- Le décret répartit Tmin/Tdelta selon catégories de cotisations (ex. vieillesse, maladie, chômage, allocations familiales…). En pratique, cela implique un calcul plus fin et des traitements différenciés pour chaque assiette de cotisation.
4. Impacts pour les services paie — points de vigilance et contrôles recommandés
La mise en place de la RGDU a des conséquences opérationnelles importantes, notamment en termes d’adaptation des contrôlés réalisés par les acteurs paie.
A. Adaptation SIRH / paramétrage logiciel
- Mettre à jour les calculateurs : intégrer la nouvelle formule (exposant P, Tmin/Tdelta par nature de cotisation, arrondis à 4 décimales). Valider la gestion des rémunérations annuelles et des prorata (temps partiel, entrées/sorties).
- Paramètres par tableau : le logiciel doit appliquer les bons Tmin/Tdelta selon la nature des cotisations (tableau du décret).
- Tests unitaires : scénarios SMIC, 1,2 SMIC, 2 SMIC, 3 SMIC, salaires impactés par primes exceptionnelles – à comparer avec les anciens calcul Fillon vs RGDU.
B. Revue des règles de paie et déductions
- Règles de traitement des primes : les primes ponctuelles peuvent modifier la rémunération annuelle et donc le coefficient. Il convient donc de prévoir les règles de reprise/rectification (imputations échelonnées, ajustement en fin d’année).
- Contrôles d’anomalie : il est nécessaire de détecter les exercices où la réduction devient négative (erreur de paramétrage), ou les dépassements de plafond.
C. Contrôles et piste d’audit
Ceux-ci ne sont naturellement pas exhaustifs et ne constituent que quelques pistes, qui devront être adaptées à la situation propre de l’entreprise :
- États de rapprochement mensuels : affichage du coefficient appliqué par salarié et du montant de réduction (historique).
- Contrôle des effectifs et comparatifs : tableau comparatif mensuel vs année N-1 (impact budget), ventilé par tranche de rémunération.
- Justificatifs : conservation des éléments de calcul (SMIC retenu, rémunération annuelle prise en compte, arrondis) pour contrôle URSSAF. Le décret prévoit des règles précises sur la base annuelle et nécessite de conserver la traçabilité.
D. Formation et documentation
- Il conviendra de rédiger des procédures internes expliquant la base de calcul de la rémunération annuelle, la gestion des absences de longue durée, le traitement des changements de contrat en cours d’année, les effets des primes. Il sera, ensuite, à coup sûr, indispensable, d’organiser des sessions pour paie et RH.
5. Impacts financiers pour l’entreprise
Effet immédiat sur la trésorerie et les charges payées par l’entreprise :
- Gains ou pertes d’allègements dépendent fortement de la structure salariale : en effet, les entreprises à fort pourcentage de salariés autour du SMIC conservent un avantage (la RGDU maintient un fort niveau d’allègement au plus proche du SMIC), mais celles avec une proportion importante de salaires intermédiaires (entre ~1,6 et 3 SMIC) peuvent voir un changement significatif du montant d’allégement – en hausse ou en baisse selon la distribution et la composition par cotisations. Des analyses externes prévoient des réallocations de charge et une économie nette pour la sécurité sociale but aussi des effets redistributifs pour les entreprises.
Mais aussi des impacts comptables et budgétaires :
- Recalibrage des prévisions sociales : il conviendra de mettre à jour les budgets « charges de personnel » avec simulations (avec au moins 3 scénarios : base, pessimiste, optimiste).
- Effet sur masse salariale nette : l’économie de cotisations patronales modifie le coût complet du travail, ceci peut influencer décisions salariales (revalorisations) ou la politique d’embauche sur postes bas salaires.
6. Recommandations opérationnelles (check-list pour responsables paie)
Il est évident que chaque entreprise est différente, et que le contexte propre impliquera des obligations propres à l’entreprise. Néanmoins, des préconisations semblent incontournables pour tous :
- Mettre à jour le paramétrage des logiciels paie, quels qu’ils soient, et demander les preuves écrites du fournisseur quant à la recette, mais aussi quant à la conformité à la formule légale (incluant les règles d’arrondi).
- Lancer des simulations massives (année N vs 2026) ventilées par tranche de rémunération et par établissement.
- Automatiser des états de contrôle : tableau par salarié (rémunération annuelle, coefficient, montant réduction), suivi mensuel.
- Revoir les règles de comptabilisation : prévoir des provisions d’ajustement pour de potentielles régularisations en fin d’année.
- Préparer la documentation pour l’URSSAF : pièce justificative des bases annuelles, paramétrage, bulletin de paie explicitant l’allègement si demandé.
- Sensibiliser les managers et les services de contrôle de gestion ou de Comp & Ben aux effets possibles sur le coût du travail et décisions RH.
7. Points à surveiller et risques
Il sera essentiel de garder à l’esprit quelques risques prégnant qu’il conviendra de garder sous contrôle afin d’éviter les erreurs de paie et les contentieux avec les OPS :
- Les erreurs de paramétrage (exposant P, Tmin/Tdelta, SMIC retenu) peuvent générer des redressements URSSAF. Il conviendra donc de mettre en place une stratégie de recette efficace et de ne pas se contenter de la recette unitaire proposée par l’éditeur / intégrateur.
- Le traitement des primes en fin d’année : un versement ponctuel peut faire basculer un salarié dans une tranche où la réduction diminue fortement. Il conviendra donc de prévoir des règles de lissage ou une adaptation des provisions.
- L’évolution réglementaire : la réforme prévoit un suivi et des ajustements (comité de suivi évoqué supra). Il sera indispensable de demeurer vigilant aux éventuels ajustements réglementaires ultérieurs.
En conclusion, la RGDU unifie et complexifie le calcul des allègements : la mécanique de calcul est désormais plus paramétrée et plus dépendante de la rémunération annuelle (puissance 1,75, Tmin/Tdelta segmentés, plafond à 3 SMIC).
Pour les services paie, l’enjeu est double : fiabiliser le paramétrage (logiciels, arrondis, traitements de primes) et fournir des états de contrôle robustes destinés tant à la direction qu’à l’URSSAF.
Financièrement, l’impact est structurel et rebat les cartes selon la distribution salariale de chaque entreprise.
En conclusion : simulez, documentez, et adaptez les processus avant le 1ᵉʳ janvier 2026. Althéa peut vous accompagner dans cette démarche de deux manières :
- La réalisation d’un recalcul par les équipes d’Althéa (optimisation des charges sociales), à partir de bulletins de paie tests en amont ou des premiers mois de l’année 2026 après la mise en œuvre de la RGDU, afin d’optimiser et de fiabiliser les règles de calcul appliquées,
- En mettant en œuvre, en collaboration avec les experts paie de l’entreprise, un plan d’implémentation de la RGDU 2026 adapté à votre contexte, via un diagnostic et une analyse d’impact, un contrôle du paramétrage notamment par la mise en œuvre d’une stratégie de recette appropriée et adaptée aux populations propres de l’entreprise, mais aussi la mise en œuvre d’actions d’information et la construction d’actions et de supports de communication destinés aux acteurs RH comme aux salariés concernés un accompagnement post-déploiement, destiné à sécuriser la mise en production pourra compléter l’apport de nos consultants auprès de vos services.